Le retour surprise d’ESXi gratuit avec vSphere 8.0 U3e : un cadeau empoisonné ?

C’est une nouvelle qui a surpris la communauté IT en ce début d’année 2025 : avec la publication de vSphere 8.0 Update 3e, Broadcom a décidé de rendre à nouveau gratuit le célèbre hyperviseur ESXi dans sa version bare-metal. Une décision qui intervient plusieurs mois après que la firme, fraîchement propriétaire de VMware, avait mis fin à l’offre gratuite de ce produit emblématique. À l’époque, cette annonce avait provoqué un véritable tollé, en particulier dans les cercles des passionnés de virtualisation, les « homelabbers », les petites structures et les formateurs techniques.

Mais alors, ce retour en arrière change-t-il vraiment la donne ? Ou est-il déjà trop tard pour reconquérir le cœur des utilisateurs déçus ?

Le contexte : un revirement stratégique inattendu

En février 2024, la suppression pure et simple de l’offre ESXi gratuite avait été perçue comme un tournant brutal dans la stratégie de Broadcom. Ce dernier semblait vouloir recentrer VMware exclusivement sur les entreprises clientes disposant de moyens importants, en supprimant tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une offre communautaire ou d’entrée de gamme.

Résultat : une grande partie des utilisateurs individuels et des petites entreprises avaient commencé à migrer vers d’autres solutions, comme Proxmox VE, XCP-ng, ou encore Hyper-V pour les plus téméraires. Ces plateformes open source ou gratuites ont rapidement gagné en visibilité, et dans certains cas, en maturité.

Mais voilà qu’avec la version v8.0 U3e (build 24677879), l’hyperviseur ESXi est de nouveau disponible gratuitement, directement téléchargeable depuis le portail de support Broadcom. Une annonce accompagnée d’une mise à jour intéressante côté compatibilité matérielle, notamment avec de nouveaux pilotes pour le Quick Boot (support des drivers Intel vRAN, AMD Instinct MI, etc.).

Un geste suffisant pour regagner la confiance de la communauté ?

Un retour qui arrive un peu tard

D’un point de vue technique, on ne peut qu’applaudir la décision. Pouvoir accéder gratuitement à un hyperviseur aussi mature et fiable qu’ESXi est une aubaine pour tester, apprendre ou faire tourner un petit environnement de lab. VMware reste, après tout, l’une des solutions les plus complètes du marché : stabilité, fonctionnalités avancées, support du hardware, compatibilité avec les outils d’entreprise… la solution n’a pas perdu ses qualités.

Mais dans les faits, le mal est fait. Nombreux sont ceux qui, face à la décision initiale de Broadcom, ont désinstallé ESXi de leurs homelabs, converti leurs machines virtuelles, appris à maîtriser Proxmox ou XCP-ng, et n’ont aucune envie de revenir en arrière. Car migrer vers une autre plateforme prend du temps, de l’énergie, et surtout, crée une nouvelle habitude. Beaucoup s’y sont retrouvés et ont découvert que, pour un usage personnel ou modeste, les alternatives gratuites font très bien le travail.

Même des hébergeurs qui utilisaient auparavant VMware dans leurs datacenters se sont tournés vers des solutions comme Proxmox, jugées plus souples, plus simples à maintenir, et surtout, bien plus abordables.

Et les mises à jour dans tout ça ?

L’une des interrogations qui subsiste — et elle est de taille — concerne la gestion des correctifs de sécurité. Car si l’hyperviseur peut être installé librement, il semble que Broadcom n’autorise plus le téléchargement des mises à jour de sécurité sans authentification et association à un SiteID, c’est-à-dire un identifiant client lié à un contrat de support payant.

Difficile, dans ce contexte, de dire si la version gratuite pourra rester sécurisée sur le long terme, ou s’il s’agit simplement d’un “bon pour commencer” avant de devoir passer à la caisse. Les détails à ce sujet restent flous, et beaucoup de professionnels de l’IT s’interrogent sur la viabilité de cette offre gratuite dans la durée.

L’histoire du licensing : 72 cœurs… ou pas ?

Un autre point qui avait jeté de l’huile sur le feu ces derniers mois : les nouvelles règles de licence imposées par Broadcom, qui stipulaient que tout achat de licences vSphere devait couvrir au moins 72 cœurs. Une contrainte qui excluait de facto bon nombre de petites entreprises ou d’installations modestes.

Mais là encore, nouveau revirement : Broadcom a fini par revenir sur cette règle, ramenant le minimum requis à 16 cœurs par CPU, ce qui reste conséquent, mais bien plus accessible. D’après certaines sources, cette modification aurait été motivée par la pression des marchés européens, où la règle des 72 cœurs aurait soulevé des questions juridiques et concurrentielles.

Une réputation entachée

Il faut bien le reconnaître : la gestion de la communication et des décisions stratégiques par Broadcom autour de VMware a laissé des traces profondes. Le sentiment général, dans la communauté, est celui d’une entreprise qui avance à tâtons, qui cherche sa voie entre rentabilité et fidélité des utilisateurs.

Les amateurs comme les professionnels se posent des questions légitimes : Peut-on encore faire confiance à une offre gratuite susceptible de disparaître du jour au lendemain ? Est-il raisonnable de miser sur une plateforme dont l’évolution semble dépendre avant tout de la rentabilité à court terme ? Et, surtout, quelles garanties a-t-on quant à la pérennité des outils que l’on choisit d’intégrer dans ses infrastructures ?

Conclusion : bonne nouvelle ou faux espoir ?

Alors, doit-on se réjouir du retour d’ESXi gratuit ? La réponse dépend largement de votre contexte.

  • Si vous êtes un étudiant, un formateur ou un passionné qui souhaite simplement mettre en place un petit environnement de test, c’est clairement une bonne nouvelle. ESXi reste une excellente base pour apprendre la virtualisation de manière professionnelle.
  • Si vous êtes une petite entreprise, cette offre pourrait sembler tentante, mais attention à la limitation sur les mises à jour et aux conditions d’utilisation qui restent floues.
  • Si vous avez déjà investi du temps et des efforts pour basculer vers Proxmox, XCP-ng ou d’autres alternatives, vous aurez sans doute du mal à justifier un retour en arrière — d’autant que ces plateformes progressent rapidement et bénéficient d’un fort soutien communautaire.

En fin de compte, ce retour d’ESXi gratuit ressemble davantage à une manœuvre de reconquête qu’à un vrai retour aux sources. Il faudra attendre les prochains mois pour voir si Broadcom réussit à reconstruire un lien de confiance avec la base historique des utilisateurs de VMware.

Mais pour beaucoup, le signal est clair : l’ère du tout-VMware, même dans les petits environnements, touche à sa fin. La diversité des solutions de virtualisation n’a jamais été aussi riche, et la communauté IT, plus que jamais, semble prête à explorer d’autres horizons.